Une société sans Microsoft ? 2/2

Le Logiciel Libre, cet inconnu

Après avoir précisé, dans la précédente partie, que Microsoft est un symbole, le titre de cet article reste volontairement ambigu.

S’agit-il d’une société sans Microsoft au sens large ou d’une société commerciale n’utilisant pas d’outils Microsoft ? Probablement des deux, car il s’agit d’un questionnement éthique. Et quelle est l’origine de la question ? Assurément la qualité, et nous allons voir que la réponse fut la liberté.

Le premier Logiciel Libre

L’histoire retiendra que le premier Logiciel Libre a été créé par Richard Stallman pour résoudre un problème de qualité. Un logiciel commercial pilotant une imprimante était défectueux.

Devant l’attitude inappropriée de l’éditeur du logiciel défectueux, Richard Stallman décida d’écrire un pilote de remplacement et de le mettre librement à la disposition de tous, charge à la communauté de reverser ses propres améliorations librement dans ce logiciel. Le Logiciel Libre était né.

Aujourd’hui le Logiciel Libre est partout. D’Internet à Android, en passant par Darwin, base du macOS d’Apple, de nombreuses productions Microsoft mais surtout du système Linux, la famille des systèmes BSD dérivés d’Unix et enfin des dizaines de milliers de logiciels libres créés pour les utilisateurs.

La communauté mondiale du Logiciel Libre représente des millions d’acteurs et des milliers de sociétés prospères.

L’histoire retiendra également que ce phénomène est probablement la première collaboration humaine mondiale, au-delà des cultures, des langues et des pays.

Esprit collaboratif et évolutif

Le Logiciel Libre est la preuve que les gens, sans distinction de diplôme ou de milieu, par la simple méritocratie du travail fourni, peuvent se hiérarchiser et collaborer efficacement sur des projets très complexes, dans un mouvement darwinien, afin d’obtenir les meilleures solutions possibles.

Aucune société commerciale, même Microsoft, ne peut atteindre l’ampleur et l’efficacité d’un tel mouvement.

Économie du Logiciel Libre

Modèle commercial versus Logiciel Libre

Il n’y a pas d’opposition entre le modèle commercial et le Logiciel Libre : les deux concepts sont complémentaires.

Il est courant d’adosser une entreprise à un projet de Logiciel Libre. L’entreprise propose du support à d’autres entreprises. Le projet libre garantit aux utilisateurs la pérennité du projet.

Finalement, un Logiciel Libre ne peut s’éteindre que par l’absence d’utilisateur.

Une société peut également décider de soutenir un Logiciel Libre en raison de sa qualité ou de sa popularité, car l’investissement sera moindre et les débouchés supérieurs. IBM a porté Linux sur ses gros ordinateurs et a acquit dernièrement RedHat, l’éditeur de la version Linux éponyme.

Inversement, la communauté du libre peut acquérir un logiciel commercial tel que Blender pour le libérer : une fondation ad-hoc créée en 2002 recueillit en sept semaines, auprès de la communauté, les 100 000 € nécessaires à l’acquisition des droits.

L'ambiguïté de la gratuité

La gratuité du Logiciel Libre, en tant que choix économique, peut être une source d’incompréhension.

On ne devrait jamais choisir un logiciel parce qu’il est gratuit ou open source ou libre mais bien en fonction de ses objectifs.

Aujourd’hui, 98 % des besoins courants sont couverts par le Logiciel Libre. Pour les 2 % restants, la bonne démarche est d’acquérir le logiciel commercial le plus approprié.

Sowebio utilise ainsi trois logiciels commerciaux sous Linux, en version payante, parce qu’aucun logiciel libre ne répondait très précisément au besoin : DaVinci Resolve (montage vidéo professionnel), Sublime Text (éditeur pour développeurs) et TreePad Business (gestionnaire d’information arborescent).

La gratuité est également, en tant que définition précise, une source d’ambiguïté.

Il faut distinguer le logiciel gratuit (les sources ne sont pas disponibles, aucune pérennité n’est garantie), le logiciel open source (les sources ne sont pas libres d’utilisation, aucune liberté n’est proposée) et le Logiciel Libre.

La gratuité est certes un aspect fondamental du Libre mais celle-ci ne devrait jamais être sur-estimée. Comme pour un logiciel commercial, il y aura un coût de formation et de maintenance.

La gratuité n’est qu’apparente et ne représente que le coût d’acquisition. Par contre, le Logiciel Libre est une source importante d’économies cachées.

Autres bénéfices du Logiciel Libre

Après la qualité, la liberté et la gratuité d’acquisition, le Logiciel Libre propose également d’autres avantages décisifs à moyen et long terme.

Pérennité des solutions

Les éditeurs commerciaux font et défont leurs produits au gré de leurs stratégies. Ils changent comme bon leur semble l’ergonomie, les formats de fichiers, les prix et les modèles de licences.

À l’inverse, le Logiciel Libre est un havre de stabilité et de respect des utilisateurs. Il est courant aujourd’hui d’utiliser des logiciels libres de plus de vingt ans d’existence : le nom n’a pas changé, le format de fichier d’origine est toujours compatible, l’interface utilisateur ne change pas à chaque version et les utilisateurs ont leur mot à dire.

Incidemment, l’investissement initial en formation est préservé.

Indépendance des solutions

Le Logiciel Libre propose souvent la liberté de la portabilité.

La portabilité est la capacité d’un logiciel à fonctionner quelque soit le système d’exploitation. Des logiciels aussi répandus que LibreOffice, Firefox ou Videolan fonctionnent naturellement sous Windows, Mac, Linux et Android. L’utilisateur n’est plus lié à un système pour utiliser son logiciel préféré.

Formation et maintenance librement accessibles

Le Logiciel Libre offre librement sur internet les supports d’auto-formation pour les utilisateurs et, pour les prestataires informatiques, la documentation de maintenance des logiciels.

Le passage au Logiciel Libre

L'humain et ses outils

Dans tout domaine, l’humain prime. Les logiciels ne sont que des outils.

Microsoft propose depuis près de quarante ans une caisse à outils bureautique. Oracle fut longtemps incontournable pour les bases de données. Une majorité d’infographistes est persuadée qu’il est indispensable de croire en Adobe et son prophète Photoshop.

D’autres clament que la seule alternative à un PC Windows est un Mac.

Chacun est à l’aise avec les outils qu’il préfère.

L’irrationnel est la règle et Darwin fera le tri.

Après avoir utilisé des systèmes Microsoft, mais ayant anticipé par l’utilisation privilégiée de Logiciels Libres sous Windows, Sowebio est devenue, en 2018, une entreprise fondée sur le Logiciel Libre.

Sowebio n’utilise plus un seul système Windows ni le moindre logiciel Microsoft.

La quête de la paix

La décision a été prise suite à certains évènements et changements d’usages qui ont rendu la possession d’un parc Windows encore plus chronophage, non sécurisé et irrespectueux des données personnelles :

  • Les vagues de ransomwares de 2017 – phénomène toujours d’actualité aujourd’hui ;
  • Les failles et autres outils d’intrusions “perdus” par la NSA et qui ont permis aux pirates d’améliorer leurs techniques ;
  • Les étranges attaques de ransomwares non destructeurs qui semblent être des répétitions pour des actions plus vastes ;
  • Une tromperie autour de Windows Seven Pro : certaines fonctionnalités importantes de sécurité, quoique présentes et paramétrables sans message d’erreur, n’étaient fonctionnelles qu’avec les versions Seven Ultimate ou Seven Enterprise ;
  • Le contrôle unitaire des Windows updates devenu nécessaire pour éviter les mises à jour à vocation de récupération des données personnelles et ciblant les utilisateurs refusant le passage à Windows 10 ;
  • La nécessité technique, si Sowebio restait sous Windows, d’évoluer vers Windows 10, système encore plus irrespectueux des données personnelles et imposant un processus de mise à jour très contraignant ;
  • Les exigences de sécurité qui augmentent à la mesure des nouvelles menaces ;
  • La mauvaise qualité des antivirus Windows, imposant la mise en place d’outils supplémentaires ;
  • Les exigences du RGPD et d’autres règlements similaires à l’international ;
  • L’adoption des logiciels libres par les utilisateurs ;
  • L’unification des systèmes puisque nos serveurs sont aussi sous Linux.

Les stations de travail Sowebio sont désormais sous GNU/Linux Ubuntu Long Term Support avec chiffrement du disque et tous nos serveurs sont sous GNU/Linux Debian.

Ces dispositions ont permis d’améliorer la conformité RGPD de Sowebio, la sécurité des stations, ainsi que leur personnalisation. La productivité est désormais meilleure et nous passons moins de temps à maintenir le parc.

L’identité de système entre stations et serveur est un point très positif pour le développement. Les commutations VPN sont aussi plus rapides et plus stables.

La compatibilité matérielle de Linux est remarquable, même sur des configurations atypiques :

  • Stations de développement 43 pouces en résolution 4K ;
  • Ultra-portables Dell Latitude 12 pouces avec 4G, GPS et lecteur de cartes à puces. Le passage à Linux a permis d’augmenter notablement l’autonomie et la carte 4G est nativement reconnue ;
  • Périphériques multifonctions tels des imprimantes laser de production A4 Postscript et des copieurs couleur A3 Postscript ;
  • Imprimantes à batteries pour portables ;
  • Colorimètre professionnel pour calibrer les écrans et les vidéoprojecteurs fixe et mobile.

Enfin, les performances de GNU/Linux Ubuntu nous ont permis d’éviter le renouvellement du parc des stations de gestion, constitué essentiellement de stations Dell Optiplex professionnelles de 2011 équipées de bons processeurs QuadCore Intel. Le changement de système a été l’occasion d’installer des disques SSD de haute qualité, une carte graphique multi-écrans et d’étendre la mémoire à 8 ou 16 Go. Cette action a permis de différer leur remplacement de cinq ans.

Une société sans le Logiciel Libre ?

Certaines sociétés ne sont pas mures pour le Logiciel Libre ou ne peuvent pas passer au Logiciel Libre. C’est un coût, parfois négligeable, parfois initialement plus important.

L’aspect sécurité, virus et ransomwares reste une épée de Damoclès et le coût des attaques de 2017 se sont chiffrées en milliards de dollars. Aujourd’hui, les vagues de ransomwares ne faiblissent toujours pas. Des milliers de multinationales, de villes ou d’organismes locaux ou internationaux, des millions de TPE/PME/ETI, ont été victimes de ces attaques. La sécurité sous Windows est une vraie préoccupation.

Une entreprise ayant une profonde culture Windows n’adhérera pas au discours de cet article et démontrera que l’on peut sécuriser Windows, ce qui est vrai, à moindre coût, ce qui est faux. Une autre, voyant l’informatique comme une nuisance, ne comprendra même pas le débat. Une troisième, n’utilisant que des logiciels Windows très spécifiques, n’aura simplement pas le choix.

Le Logiciel Libre a également un coût, même s’il n’est en rien comparable à une architecture fondée sur les produits Microsoft. Si un système GNU/Linux Ubuntu propose une expérience utilisateur très aboutie – similaire ou supérieure à un Mac – et une reconnaissance des matériels hors de pair, certains aspects relatifs aux impressions sur des périphériques multifonctions et aux mises en veille, veille hybride et hibernation sur les portables doivent être retravaillés à l’installation.

Il faut alors choisir les Logiciels Libres équivalents aux logiciels Microsoft. Sowebio tient à jour un manuel d’équivalence dans le domaine de la bureautique, de la création multimédia, des utilitaires et du développement. Sa mise en œuvre permet des surprises souvent flatteuses.

La migration sera plus facile pour une nouvelle entreprise que pour une société existante, souvent ligotée par des solutions de gestion commerciales hermétiques, avec un historique de données important. Dans ce dernier cas, il sera probablement préférable – au moins dans un premier temps – de conserver Windows tout en remplaçant les logiciels Microsoft par leurs équivalents libres.

L’ensemble de ces aspects n’est pas trivial. Il est nécessaire d’engager une réflexion sur le système d’information de l’entreprise, puis décider de la marche à suivre, au mieux de ses intérêts.

Épilogue

Les objectifs de Sowebio étaient l’amélioration des domaines suivants : protection des données personnelles, sécurité, qualité, pérennité et facilité de déploiement des systèmes et des logiciels, tout en conservant tous les matériels et périphériques existants.

Les points déclencheurs ont été la réglementation européenne de protection des données personnelles (RGPD), les gains de performance, et de temps de maintenance puis les économies d’investissements en logiciels et matériels.

Les GAFAM considèrent que nos données personnelles sont sans prix et proposent, pour nous appâter, des services séduisants et gratuits. Mais, dans un contexte d’entreprise, avec le SAAS (location de logiciels) et le Cloud (serveurs dématérialisés), les coûts s’envolent, la dépendance aux prestataires externes augmente et le contrôle sur ses données baisse. On peut vivre avec. Ou faire autrement. C’est un choix.

Sowebio a fait le choix de la réduction des coûts et de l’augmentation de la qualité. Cette reconquête de la souveraineté numérique de notre entreprise a été préparée sur six mois. L’investissement a été amorti dès la première année par la quasi-disparition des incidents, la suppression de la majeure partie de la maintenance, la rapidité de déploiement des nouvelles machines et la limitation des investissements matériels et logiciels. Enfin, les mises à jour automatiques sont transparentes et ne ralentissent plus l’entreprise.

Dégagés de cet enfermement, bénéficiant tous les jours des retombées de ce choix, nous mobilisons désormais toute notre énergie et notre créativité à satisfaire nos clients.